Cette plaque historique a été ajoutée en 2023. Elle est située au début du sentier récréatif, à 901 rue Notre-Dame, Embrun, ON.

La vie avant la gare

À la fin du XIXe siècle, l’avènement du chemin de fer dans Prescott-Russell vient modifier la vie sociale et économique des petites paroisses échelonnées le long de son parcours. La population d’Embrun, complètement isolée des grands centres, comprend très tôt l’importance de voir passer à proximité du village, une nouvelle voie de communication qui apparaît comme un signe de prospérité.

L’ouverture de la gare d’Embrun

Carte New York CentralLorsqu’en 1897, la compagnie Ottawa-New York parle de construire un chemin de fer reliant Ottawa et New York, la population d’Embrun s’emballe et croit pouvoir réaliser un vieux rêve. Malgré leur pauvreté relative, les gens votent un bonus de 10,000 $ à la compagnie ferroviaire pour que le tracé passe près du village. La construction de la nouvelle voie requiert l’embauche de plusieurs locaux. Tout le travail s’exécute à l’aide d’attelages, de mules et de chevaux. Une fois complétée, la nouvelle voie ferrée traverse la paroisse entre St-Onge et Embrun. À partir d’Ottawa, elle desservait Hawthorne, Ramsayville, Piperville, Edwards, Pana, Russell, Embrun, Cambridge, Crysler, Berwick, Finch, Newington, Northfield, Harrison, Black River, Cornwall Junction et Cornwall. Embrun devient un point d’arrêt important sur la ligne de chemin de fer qui s’appellera bientôt le New York Central.

L’inauguration de la voie ferrée a eu lieu le 5 septembre 1898. Le premier agent de la gare d’Embrun fut M. Alfred Larocque. Dès la première année de service, un accident ferroviaire à proximité d’Embrun cause la mort des deux ingénieurs du train.

La communauté prospère

Gare d'EmbrunAvec l’avènement du train, la paroisse est dotée d’un moyen de transport efficace, d’un système de télégraphie et d’une réception régulière de son courrier. Au début, les commerçants utilisent le train pour expédier des animaux et des produits agricoles mais peu à peu, ils se mettent à importer des denrées. Deux grands hangars sont construits à cette fin près de la voie ferrée dès 1902. Pendant le Deuxième Guerre mondiale, les cultivateurs achètent collectivement et en grande quantité, certains produits tels le blé de l’Ouest et le sucre qu’ils déchargent eux-mêmes des convois. C’est le début du mouvement coopératif à Embrun. Vers la même époque, M. Noël Desrosiers remplace M. Émile Blais à titre d’agent de la gare.

Si le train contribue largement au progrès économique de la paroisse, il conditionne tout aussi étroitement la vie sociale. On peut maintenant recevoir ou visiter des parents et des amis dans les villes plus éloignées, ou tout simplement se permettre une petite balade en train.

Pendant plusieurs années, le chemin de fer sera le fidèle témoin de l’évolution du village. Qu’il suffise de mentionner qu’il a inauguré, à Embrun, une ère de prospérité; par contre, c’est cette prospérité qui causera d’ailleurs la perte du chemin de fer. Durant les années 1920, la compagnie rencontre déjà des difficultés en raison de la pourriture hâtive des traverses. En 1922, les ouvriers remplacent le bois de cèdre par de l’épinette blanche mais sans succès. Ces coûts s’avèrent exorbitants pour le New York Central. Le déraillement de 1927 s’ajoute aussi à la situation déjà difficile.

Déraillement de 1927 - Source Claire Désormeauc

  • Déraillement d’un train du new York Central près de la gare d’Embrun en 1927. Source : Mme Claire Désormeaux.



Les temps changent

Les années 1940 laissent présager un sombre avenir. Depuis 1898, le train assure une liaison régulière entre Embrun et les grands centres mais l’utilisation de plus en plus fréquente de l’automobile, l’instauration d’un service d’autobus vers Ottawa et surtout le recours aux camions pour le transport des marchandises, opposent une si vive concurrence au chemin de fer, qu’en 1939, la compagnie se voit dans l’obligation de retirer deux trains de son horaire. En 1951, elle abandonne son service pour la première fois du 16 août au 22 septembre. À l’été de 1952, les trains sont de nouveau arrêtés du mois d’avril jusqu’à l’automne. La poste est alors acheminée par camion.

24 BourassaDeux ans plus tard, la compagnie suspend son service de voyageurs. Finalement, le 14 février 1957, le dernier train du New York Central quitte Ottawa à 15h30. Ce convoi de marchandise tiré par une locomotive de 1600 chevaux-vapeur, fait escale à chaque petite gare, maintenant désaffectée, ou une foule mélancolique est venue lui faire ses adieux. À chaque arrêt, le chef de gare remet au conducteur du train les papiers officiels. Il fait nuit lorsque le train atteint finalement Cornwall où il est accueilli par des curieux et des journalistes venus immortaliser la fin d’une époque. Le lendemain, la compagnie remet sa charte et discontinue définitivement toute opération. Cette même année 1957, le Canadien National, qui a fait l’acquisition du New York Central, enlève les rails et démolit les ponts. La gare, dernier vestige de l’existence du New York Central à Embrun, est déménagée en 1961 au 24 de la rue Bourassa pour être convertie en résidence où elle y demeure toujours, maintenant récemment rénovée.

Gare de Berwick en hiversLa vielle gare de Berwick, construite en 1898, est ensuite transportée à Embrun où elle fut restaurée et installée le long de l’ancienne voie ferrée. Elle fut aménagée en musée ferroviaire pour un certain temps, témoin d’une époque dont la plupart de nos résidents présent n’ont pas connue. En 2022, grâce au travail du Comité de la gare d'Embrun, l'extérieur de la gare a fait l'objet de rénovations, notamment d'une nouvelle couche de peinture, tout en gardant son aspect historique de deux tons de vert.

Documents de référence :
  • Histoires d’Embrun – Francine Bourgie, Jean-Pierre Proulx, 1981
  • Embrun au jour le jour – Jean-Pierre Proulx, 2006